Le droit à la prise est une mesure relativement récente, qui vise à favoriser et faciliter l’installation de bornes de recharge privatives au sein des habitats collectifs de copropriété. Installer un système individuel au sein d’un parking collectif entraîne évidemment quelques conséquences et aménagements. Comment se prévaloir de son droit à la prise ? Qui peut en profiter ? Et peut-on s’y opposer ? Explications.
Le concept de la copropriété
Précisons en premier lieu ce qu’est clairement une copropriété. Il s’agit d’une habitation collective au statut plus particulier. En effet, la copropriété est un immeuble ou un ensemble d’immeubles qui appartiennent à au moins deux propriétaires, que l’on nommera donc logiquement des copropriétaires. Le copropriétaire peut être une personne physique ou morale. A la différence de l’habitat collectif standard, les copropriétaires se partagent la pleine propriété du bien. Autrement dit, les parties privées appartiennent indépendant à chacun, et les parties communes appartiennent à l’ensemble des copropriétaires, à hauteur d’une quote-part répartie entre chacun. Entendons par « parties communes », les sols, les cours, les jardins, les locaux de services communs type cave, les passages, les couloirs, les ascenseurs, les escaliers, etc.
Chaque copropriétaire fait automatiquement partie du syndicat de copropriété. En assemblée générale, soit au moins une fois par an, il prend les décisions concernant les parties communes de l’immeuble. C’est ensuite le syndic de copropriété, qui est un organisme externe, qui assume une partie de la gestion de la copropriété en appliquant les actions votées en assemblée.
Les IRVE en copropriété
Pourquoi présenter le fonctionnement de la copropriété ? On en arrive à nos bornes de recharge, et vous allez comprendre. Les véhicules électriques se développement largement, au point de faire l’objet de ce que l’on appelle une révolution automobile. Parmi tous ces nouveaux adeptes du transport écoresponsable, plus de 90 % font le choix de s’équiper d’une borne de recharge à domicile, pour allier l’écologie au confort de vie. Si le choix de l’écomobilité d’un propriétaire particulier ne pose a priori aucune contrariété particulière puisqu’il s’agit d’une démarche individuelle sur un espace individuel privé, la question peut venir se poser dans le cas de la copropriété. Deux cas seront alors à différencier : celui de l’initiative groupée pour un équipement partagé, et celui de l’initiative individuelle.
A compter du fait que l’un des occupants de la copropriété, copropriétaire ou locataire, rencontre un besoin d’équipement de recharge pour son véhicule électrique et en fait part au syndic, celui-ci est dans l’obligation de l’inscrire à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale. En réalité, la question ne devrait même pas se poser, puisque le syndic est légalement contraint (loi LOM du 24 décembre 2019) d’aborder le sujet de l’implantation éventuelle d’une ou plusieurs IRVE au sein de la copropriété au moins une fois par an au sein de l’assemblée générale. Comme il n’y en a généralement qu’une seule organisée par an, le sujet doit y être récurrent.
L’inscription à l’ordre du jour permet d’échanger quant à l’intérêt manifesté des copropriétaires, au souhait possiblement partagé d’accès à ce service de recharge, aux frais que l’installation représentera et donc aux charges qui pèseront sur chacun des copropriétaires, aux travaux que l’installation engendrera, et notamment aux contraintes à prévoir de difficultés d’accès ou de bruit durant la période d’installation, etc. A l’initiative ensuite du syndic, les travaux peuvent s’engager. En revanche, dans le cas d’un souhait individuel d’installation d’une borne à usage privatif, l’occupant peut faire valoir son droit à la prise.
Qu’est-ce que le « droit à la prise » ?
Le « droit à la prise » définit le droit dont dispose tout habitant d’un immeuble en copropriété, de prétendre à l’installation à ses frais d’une borne de recharge d’une puissance inférieure ou égale à 22 kW sur une place de parking en copropriété. C’est du moins ce que prévoit le cadre légal institué par le décret du 25 juillet 2011. Depuis le 1er janvier 2021, qui marque l’entrée en vigueur du décret 2020-1720 qui vient élargir l’application du droit à la prise, ce droit est élargi à tous les occupants de la copropriété, qu’ils soient copropriétaires, bailleurs, locataires, occupants de bonne foi, ou syndic.
De plus, la borne de recharge peut depuis être raccordée au compteur des parties communes de l’immeuble avec une solution de comptage individuel. Aussi, la démarche individuelle d’un occupant est soutenue par le législateur, toujours dans l’optique de favoriser le développement d’un réseau privé de recharge, pour ne pas freiner l’essor du véhicule électrique.
Droit à la prise en copropriété : Quelles démarches ?
Bien qu’il s’agisse d’une démarche individuelle, et même si l’occupant est bien conscient de devoir financer l’équipement et son installation à ses propres frais, il n’en est pas moins contraint de réaliser certaines démarches auprès du syndic. En effet, même si l’IRVE est installée sur un espace privé, l’occupant doit bien intégrer qu’il réside en copropriété, dans un habitat collectif où ce genre d’installation ne peut être réalisé sans en informer le voisinage.
Le copropriétaire devra informer le syndic de son projet par courrier recommandé au moins trois mois à l’avance. S’il s’agit d’une demande d’un locataire, celui-ci devra transmettre sa demande à son propriétaire, qui se fera l’intermédiaire avec le syndic. Ce dernier inscrira le projet à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale. Si la prochaine assemblée générale est trop éloignée, le copropriétaire peut solliciter l’organisation d’une assemblée générale extraordinaire pour présenter son projet, mais celle-ci sera entièrement à sa charge.
De l’échange en assemblée générale, à la réalisation du projet
L’inscription à l’ordre du jour n’entraîne pas de vote, autrement dit, de « pour » ou de « contre » le projet d’installation de borne de recharge. L’objectif est simplement de fournir des éléments d’explication du projet à titre informatif, pour susciter le débat et raccrocher des éventuels intéressés. Le syndic ne peut donc pas refuser l’implantation d’une borne, sauf pour « motif sérieux et légitime », soit dans l’un des trois cas suivants :
- La non-faisabilité technique prouvée du projet,
- Un projet d’installation d’IRVE en cours ou planifié dans un délai raisonnable,
- Des équipements IRVE déjà installés, répondant au besoin.
Suite à cette présentation, et après avoir répondu aux interrogations bien légitimes des uns et des autres, sur la période de travaux, les conséquences éventuelles, etc., trois situations peuvent se présenter :
- Aucune opposition au projet : L’occupant peut lancer ses travaux, à ses propres frais donc. Il devra faire signer une convention entre le syndic et l’installateur pour autoriser ce dernier à intervenir sur le système électrique de la copropriété, et sur l’aménagement des locaux;
- Opposition du syndic car installation collective déjà prévue : Le syndic dispose alors de 6 mois pour réaliser les travaux. Au-delà, l’occupant sera autorisé à réaliser lui-même ses travaux à ses frais;
- Opposition du syndic sous couvert de non-faisabilité technique : Le syndic peut faire un recours devant le tribunal administratif sous 6 mois pour empêcher la réalisation du projet. Dans ce cas, l’occupant devra justifier du respect des contraintes et de la faisabilité technique pour que le tribunal confirme la réalisation du projet.
Les avantages et les inconvénients du droit à la prise en copropriété
Evidemment, le droit à la prise protège l’occupant qui peut s’affranchir d’un accord collectif. Le législateur estime qu’il n’est pas du ressort des copropriétaires de statuer du droit ou non d’un occupant d’acquérir un véhicule électrique et de souhaiter profiter du confort qu’apporte la recharge à domicile. Egalement, il valorise le bien, puisque le logement qui sera équipé d’une borne de recharge profite d’une plus-value évidente.
En revanche, il présente l’inconvénient d’un financement individuel, à la fois de la borne en elle-même, mais aussi de l’installation, dont le coût peut être plus important selon la configuration du parking. Notons également que l’installateur devra paramétrer une facturation individualisée de l’équipement, ce qui peut nécessiter des compétences domotiques plus accrues. Enfin, l’occupant peut prétendre à l’octroi d’une prime ADVENIR, qui prend en charge 50 % du financement de la fourniture et de l’installation des bornes de recharge. Toutefois, en installant un équipement à usage individuel, l’occupant voit la prime plafonnée à 960 € HT par point de recharge. En revanche, les infrastructures collectives au sein du résidentiel collectif bénéficient d’un plafonnement de la prime à 8 000 € HT. De quoi équiper la copropriété de systèmes de charge bien plus performants.